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Entreprenariat : une question de culture et d’environnement adapté - Polaris Asso

@crédit: dynamique-mag

Entreprenariat : une question de culture et d'environnement adapté

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Entreprenariat : une question de culture et d’environnement adapté

D’ici 2030, 29 millions de jeunes vont arriver chaque année sur le marché du travail en Afrique. Pour absorber ces nouveaux arrivants, le FMI préconise que l’Afrique subsaharienne devra créer vingt millions d’emplois par an durant les vingt prochaines années. Un enjeu crucial pour tous les pays de la région, l’employabilité est une question qui doit désormais être une priorité sur les agendas politiques. A ce propos, le Sénégal est un pays qui a ses défis et ses spécificités. 

Nous sommes dans un pays où les personnes se situant dans la tranche d’âge qui va de 15 à 24 ans représentent 19,6% de la population. Un moment de la vie où la personne exprime le besoin légitime d’avoir accès à un emploi décent. Avec un taux de chômage de 16,9%, au lieu de faire face à la réalité et de penser à des politiques d’employabilité durable, le fameux refrain du « il faut entreprendre » est entonné et ressassé pour servir de placebo à l’hémorragie. Si chacun peut devenir entrepreneur, je ne suis pas si sûr que dans nos environnements on trouve tous les leviers pour cultiver et stimuler les réflexes qui font un entrepreneur. Dès lors, est-ce que nos sociétés, en termes de perception et de réaction, encouragent le développement de l’entreprenariat ? Nos pays ont-ils les ressources et le dispositif pour des start-up viables ?

Une société entreprenante se construit avec des critères solides

Avoir un pays où on a un nombre considérable de champions de l’entrepreneuriat c’est d’abord avoir un environnement qui facilite l’accès aux savoirs et aux ressources pour encourager la créativité et juguler les abandons en cours de route. 

Au Sénégal, nous avons un taux d’alphabétisation de 51,9%. Une performance très insuffisante dans une aire où le dictionnaire et le temps du monde sont passés à « l’alphanumérisation », ce qui est une exigence dans les mesures où l’essentiel des métiers du futur s’exercent avec de forts appuis sur les outils digitaux. 

Lorsqu’on parle d’entrepreneuriat ici, il ne s’agit guère d’entreprenariat de subsistance mais plutôt de croissance. Ce qui suppose des entreprises dynamiques et innovantes en termes d’évolution et de réinvention sur un marché compétitif. 

Ces failles du système ont naturellement des conséquences sur les compétences des entrepreneurs.  Nous tenons beaucoup à l’inclusion, mais il est très compliqué d’incuber quelqu’un qui ne sait pas écrire un mail par exemple. Souvent dans nos contextes (Afrique de l’Ouest francophone), accompagner des porteurs de projets, c’est souvent hélas jouer un peu du rôle de l’école, de l’université ou du centre de formation professionnelle, il s’agit souvent de rattraper d’abord des manquements du système éducatif avant d’entrer dans le fond de la démarche entrepreneuriale. Ce sont des efforts que les incubateurs ne peuvent pas supporter à eux-seuls à long terme.

Une culture de l’entreprenariat ratée depuis l’école

Il faut rappeler que l’école dont nous avons héritée est celle qui était mise en place pour former les administrateurs des colonies. Après les indépendances, cette même école a continué à former les élèves sur un cursus qui les prédestine à être employé dans l’administration de l’État.

Sans de véritables efforts pour se renouveler et apporter différents produits sur le marché, l’école est restée un seul boulevard sans issues ou des ramifications afin de prévoir les profils différents. C’est cette école où il faut rester dans les rangs jusqu’au bout ou se fracasser contre les parois. Aujourd’hui, notre école ne forme pas des personnes qui vont créer des emplois mais celles qui sortent pour être employées. 

En outre, il y a un contexte social qui ne favorise pas  l’ébullition de ces initiatives. En effet, sur le plan socioculturel, le paradigme de la réussite est mis dans un carcan figé qui consiste à aller à l’école, puis à l’université et aller dans un bureau en costume. L’entrepreneur n’est bien vu que lorsqu’il commence à être riche. Il est souvent incompris car on conçoit difficilement de voir un jeune arrêter ses études ou finir ses études et vouloir créer ses propres affaires au lieu de déposer des CV. 

Une dynamique entrepreneuriale doit être portée par toutes les franges de la société, l’école, l’université, les centres d’accompagnement publics ou privés et bien sûr, en premier lieu, l’environnement familial. 

Il nous est arrivé lors de nos missions d’accompagnement dans certaines localités du Sénégal de voir certains parents exiger leur fils d’acheter des sacs de riz pour l’alimentation de la famille avec l’argent qu’ils ont reçu dans le cadre d’un prêt financier pour développer leur projet. Des drames familiaux naissent parfois, avec des jeunes obligés d’aller vivre hors du cocon familial. L’endurance, le courage, le sens des affaires, la proactivité et la vision-long-termiste qu’exige le parcours entrepreneurial sont souvent cisaillés par la société dès le départ.

Miser sur un accompagnement adapté aux besoins

Au Sénégal, il y a des initiatives concrètes de la part de l’État pour accompagner les porteurs de projets. On peut citer entre autres le Fonds souverains d’investissements stratégiques (Fonsis), la Délégation générale à l’entreprenariat rapide (Der). Mais il se trouve que l’accompagnement ne peut pas être que financier. Il y a en réalité un préalable au projet qu’il faut assurer et des compétences à avoir avant de pouvoir bien gérer un financement.

Donc, au-delà des aspects de financements, il faut revenir aux choses basiques qu’on a tendance à oublier et qui fondent les bases d’une société entrepreneuriale. 

Aujourd’hui, nous avons besoin d’une école qui ne brise pas l’esprit créatif mais qui l’accompagne. Dans les lycées par exemple, il est possible de proposer aux élèves de découvrir le parcours de l’entrepreneur. L’accompagnement doit se concentrer sur les choses que l’école et l’université ont raté, notamment les compétences numériques fondamentales et les soft skills. Dans un monde de l’accélération et de l’automatisation, les hard skills sont éphémères. Donc les soft skills sont recherchés en entreprise pour la stabilité et la flexibilité à s’adapter à toutes les situations dans un monde où les repères peuvent changer à tout moment. 

Il faut une palette d’accompagnements des entrepreneurs pour préparer la société entreprenante de demain. Un accompagnement qui va de la découverte du parcours entrepreneurial à l’accélération, en passant par l’entraînement à l’entrepreneuriat, la pré-incubation et l’incubation. L’accompagnement doit relayer l’école et l’université à travers un écosystème harmonisé, cohérent et segmenté selon les besoins, en pointant du doigt l’importance des valeurs et de la culture entrepreneuriale.

Autant que les contenus, les formats de l’accompagnement doivent aussi être diversifiés pour toucher de la meilleure des manières chaque cible ou pour se donner toutes les chances d’aborder efficacement chaque thématique. A côté du format classique de l’atelier « PowerPoint », des jeux de cartes ou des quizz en ligne avec une dose de gamification pourraient parfaitement côtoyer des enseignements sous forme de récits ou de contes.

Cette harmonisation est fondamentale car il faut considérer les facteurs constitutifs des écosystèmes entrepreneuriaux non comme des éléments séparés mais comme un tout relié. Ces facteurs sont politiques, financiers, culturels, infrastructurels. Ils concernent aussi le marché et le capital humain. 

L’entrepreneuriat est avant tout une culture, un ensemble de valeurs et de croyance, avant d’être un ensemble  de compétences techniques et humaines. Il est dès lors fondamental de pouvoir les transmettre  dès le plus bas âge  pour faire de nos capitales africaines des hubs gigantesques de l’innovation et de la productivité.

En mettant de la conscience sur tous ces défis, on peut mesurer l’urgence qu’il y a derrière la nécessité d’influencer les communautés vers une rhétorique plus engageante envers l’entrepreneuriat, de pousser les secteurs public et privé à co-construire des écosystèmes plus dynamiques pour accompagner et financer les initiatives entrepreneuriales.

Auteur: Ousseynou GUEYE, CEO & Fondateur de Polaris Asso 

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