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Bul Laal Sunu Net, plus jamais ça!
Très surprenant, l’Etat du Sénégal a décidé d’une suspension totale de l’internet mobile à la date du 04 juin 2023. Cette décision, qui est à la fois surprenante et mal reçue par les internautes et les mobinautes au niveau national et international, suscite moult interrogations et indignations par rapport aux engagements du Sénégal en matière de respect des droits et libertés d’expression. Elle est perçue, pour beaucoup, non seulement comme un recul démocratique, mais surtout comme une violation flagrante des libertés d’expression, d’accès ou de distribution de l’information pour le Sénégal qui a pris des engagements fermes en matière de liberté.
Rappel de quelques engagements du sénégal sur la liberté d’expression
Le Sénégal a pris de nombreux engagements en adoptant et en signant des textes de lois et des conventions nationales et internationales qui promeuvent le respect des droits fondamentaux de l’Homme. Parmi ceux-ci, le droit à l’expression et à l’accès à l’information est non négociable.
Au niveau national, la Constitution du Sénégal précise que, “chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public”. A cela s’ajoutent les lois sur l’orientation de la société de l’information (LOSI) et le code des télécommunications dont leur objectif commun est de réguler les moyens de communication pour permettre une liberté responsable de communication, de participation, d’expression et de création de ressources dans tous les secteurs de la société de l’information surtout à l’heure de la révolution du numérique.
Au niveau international, le Sénégal est tenu par l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits Humains du 10 Décembre 1948 qui stipule que « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir, et de répondre sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Il a également ratifié la déclaration du 20 novembre 1989 relative aux droits des Enfants qui oblige ses signataires à respecter les droits individuels fondamentaux dont la liberté d’expression. A ce propos, à travers sa résolution A/HRC/RES/32/13, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies condamne sans équivoque les mesures visant à empêcher ou à perturber intentionnellement l’accès ou la diffusion d’information en ligne, en violation des Droits humains protégés internationalement, et appelle tous les États à s’abstenir et cesser d’utiliser de telles pratiques. Parallèlement à ces textes conventionnels, les autorités sénégalaises ont pris des engagements institutionnels pour rassurer les citoyens par rapport à leur liberté d’expression. Cependant, le hiatus reste notable à travers les actions récemment posées par l’Etat du Sénégal.
Entre promesses et paradoxe d’État
Dans sa déclaration de politique générale nationale à l’Assemblée Nationale le 12 Décembre 2022, le Premier Ministre du Gouvernement, Amadou BÂ, a soutenu que “La liberté d’expression est le fondement de toute démocratie” et reconnu, l’incontestable avancée des réseaux sociaux pour la liberté d’expression. Il a affirmé que le gouvernement va initier de larges concertations entre les acteurs dans le but de concilier la liberté d’expression au droit de ne pas être diffamé, injurié ou harcelé sur les réseaux sociaux. C’est-à-dire promouvoir et permettre la liberté d’opinion tout en préservant les usagers. Cette position de l’Etat du Sénégal était déjà évoquée à travers la stratégie « Sénégal numérique 2025 » (SN 2025) qui est élaborée en 2016 dans le cadre de la mise œuvre du Plan Sénégal Émergent (PSE). Malheureusement, la situation actuelle agace les internautes dont certains sont arrêtés et d’autres se voient couper internet.
“Mettre internet en cage, c’est emprisonner la liberté d’expression des citoyens ”
La situation actuelle : le reflet d’un paradoxe institutionnel
Malgré les avancées notées dans le domaine du respect des droits humains et de la démocratie au Sénégal, la liberté d’expression continue d’être contestée, voire malmenée par les pouvoirs publics surtout contre les utilisateurs du numérique comme les réseaux sociaux. La situation relative à la coupure de la connexion avec les données mobiles, comme ce fut le cas avec sa restriction dans le pays entre le 4 et le 5 Juin 2023, et la suspension du signal de la chaîne de télé Walf Tv en est une parfaite illustration.
Une analyse du contexte sénégalais montre un décalage profond entre la législation en vigueur, les promesses du gouvernement pour la promotion de la liberté d’expression et les actions posées par l’Etat du Sénégal en juin 2023. En effet, à travers un communiqué du ministre de l’intérieur, l’Etat a décidé officiellement de couper, l’utilisation des réseaux sociaux, par mesure de précaution afin d’empêcher la propagation de messages haineux. De cet acte, on en arrive à la coupure complète de l’internet mobile au Sénégal le 04 juin car, soutiennent les autorités, les réseaux sociaux favorisent “ La diffusion de message haineux et subversifs dans un contexte de trouble à l’ordre publique”.
Halte à cette mesure de trop !
Dès l’annonce de cette décision, jugée liberticide, les populations, internautes et mobinautes, tout comme les organisations de la société civile se sont engagés à porter le combat de la “restitution” de la liberté d’expression et d’accès à l’information des citoyens. Pour ce faire, ils ont lancé des messages de dénonciation, de plaintes, des Conférences de presse, des pétitions et des slogans comme Bul Laal Sunu Net, plus jamais ça! initiés par Polaris Asso, se sont multipliés.
Position de polaris-asso
“La dynamique de la censure numérique est préoccupante” (polaris-asso)
A la date du Mardi 06 juin 2023, un communiqué du Ministère de la Communication, des télécommunications et de l’économie numérique indique que l’internet est totalement rétabli au Sénégal. Polaris-asso salue cette mesure et encourage vivement le gouvernement à discuter avec les parties prenantes (sociétés civiles, spécialistes, consommateurs) pour que nous puissions plus jamais en arriver à cette situation extrême.
La décision de couper les données mobiles n’est visiblement pas la meilleure des solutions à prendre parce que cette mesure n’a pas empêché les sénégalais de s’exprimer sur les plateformes digitales. Au contraire, en plus de pousser les sénégalais vers des solutions digitales douteuses (VPN), elle touche et impacte gravement les professionnels faisant du numérique leur outils indispensable de travail. Fort heureusement, l’Etat du Sénégal a rétabli l’internet mobile après quelques jours de coupure.
Compte tenu des usages et des circonstances de la coupure de l’internet, Polaris-asso renouvelle son engagement à sensibiliser et à travailler pour une utilisation responsable et plus saine des différentes plateformes (“penc numériques”). Il vise à faire de ces plateformes des espaces offrant aux citoyens la possibilité de s’exprimer ouvertement sans que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public” (article 10 de la constitution sénégalaise).
Dans ce sens, il met en place, mais aussi, propose aux autorités du Sénégal des stratégies qui ont un effet positif sur le comportement des usagers du numérique. Cette situation montre comme souligné dans son point de presse du 5 juin 2023 la nécessité de prendre des mesures allant dans le sens de la mise en place d’une loi d’encadrement des réseaux sociaux dans une perspective garantissant la liberté d’expression.
Polaris-asso_Pôle recherche: Abdou Gning
Philippe Ndéné Ndiaye
Mamadou Djim Gaye
Fatou Bintou Kébé
Mohamed Ahmed Badji
Ousseynou Gueye
Aurélie Brument
Sandrine Lemare